Dans les années 60, les Alpes françaises sont encore largement inaccessibles depuis les airs. Peu de routes, peu de liaisons, et aucun modèle vraiment pensé pour les reliefs. C’est dans ce contexte que Michel Ziegler, jeune pilote inspiré par les paysages de sa Savoie natale, imagine une aviation différente, pensée pour la montagne, capable de relier l’homme à l’altitude, la ville à la station, et l’urgence au secours. Il fonde Air Alpes avec une idée simple mais audacieuse : voler là où les autres n’osent pas encore atterrir.
Photo : Michel Gilliand
Air Alpes voit le jour en 1961, à l’initiative de Michel Ziegler, avec le soutien de figures clés de l’aéronautique comme Henri Ziegler (cofondateur d’Airbus), Robert Merloz, et l’industriel Joseph Szydlowski, fondateur de Turbomeca. Très vite, la compagnie s’équipe d’un Pilatus PC-6 Turbo Porter, un avion robuste et idéal pour les terrains courts et pentus.
En 1962, l’histoire bascule : les deux premiers altiports de France sont inaugurés à Méribel et Courchevel. L’aviation de montagne prend forme, avec des pistes en pente, des procédures de vol spécifiques, et un savoir-faire unique.Le défi des altiports : innover sans relâche dans les hauteursAir Alpes établit son quartier général à Courchevel, à plus de 2 000 mètres d’altitude.
C’est ici que s’organisent les premières liaisons régulières vers les stations alpines, notamment vers :
Genève ;
Chambéry ;
Grenoble ;
Paris.
Les avions légers permettent le transport de passagers, mais aussi de courrier, de matériel médical ou de vivres.L’entreprise participe à la création d’une aviation utilitaire, de proximité, au service des territoires isolés. Les altiports deviennent des points névralgiques, principalement pour : la liaison avec les secours ;
les évacuations sanitaires ;
le soutien aux refuges ;
la logistique pour les stations de ski.
Au fil des années 70, Air Alpes diversifie ses activités : vols touristiques, formation de pilotes, soutien aux expéditions alpines, vols sur glaciers. Toutefois, le modèle s’essouffle.À partir de 1979, les difficultés financières s’accumulent.
L’État restreint les vols sur glaciers, les coûts d’exploitation augmentent, et la concurrence des hélicoptères privés devient rude.En 1981, Air Alpes est rachetée par TAT (Transport Aérien Transrégional), une importante compagnie française spécialisée dans les liaisons domestiques et régionales. Fondée en 1968, TAT était alors l’une des plus grandes compagnies privées en France, opérant aussi bien des vols réguliers que des activités de fret et de maintenance.Ce rachat marque un tournant dans l’histoire d’Air Alpes, désormais absorbée dans une logique de développement plus large et moins centrée sur la spécificité du vol en montagne.
L’aventure s’achève pour la société Air Alpes, dans un relatif silence…
Photo : Michel Gilliand
Bien que la compagnie n’existe plus, son héritage perdure dans les vallées et sur les sommets :
Les altiports de Courchevel, Méribel, Megève ou L’Alpe d’Huez restent en activité ;
Le concept de vol en montagne, encore enseigné par Alpine Airlines, a été initié par Air Alpes ;
La culture du pilotage exigeant et responsable née dans ces pistes inclinées inspire encore aujourd’hui les formations aéronautiques.