Air Antilles : le fil aérien des Antilles françaises

Larissa Rahelison

Au-dessus des lagons turquoises et des collines d’émeraudes, une silhouette blanche fend le ciel : Air Antilles. Plus qu’une simple compagnie, il s’agit d’un souffle aérien qui relie la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Depuis 2002, ses avions tissent des ponts invisibles entre les îles, rapprochant les familles, les travailleurs ainsi que les voyageurs.
 
 Mais dans ces cieux tropicaux, rien n’est jamais acquis. Les crises économiques, les ouragans et les turbulences financières rappellent sans cesse la fragilité d’une telle mission. Pourtant, Air Antilles persiste et persévère, car dans ces territoires éclatés, l’avion remplace le bus : il relie des vies séparées par l’océan. 


Et c’est là que réside sa force : fournir plus qu’un service aérien, offrir une ligne de vie.

ATR 72 par Sean Brink sur Jetphotos

Au commencement : une naissance euphorique pour donner des ailes aux îles

Air Antilles est née le 18 décembre 2002. Également connue sous le nom « Air Antilles Express », la compagnie aérienne régionale française siégée en Guadeloupe avait pour ambition de proposer des liaisons inter-îles plus accessibles. 

Fruit du groupe CAIRE (la Compagnie Aérienne Inter Régionale Express), aux côtés d’Air Guyane, elle a très vite incarné une mission essentielle : désenclaver les territoires ultramarins, et rapprocher des îles séparéespar la mer mais liées par la culture, l’histoire et les familles.

Flotte, destinations et service : le quotidien d’une compagnie de proximité

Air Antilles ne vole pas avec des géants. Elle opère une flotte modeste mais essentielle : 
2 ATR 72, immatriculés F-OMYN et F-OMYM, avec une capacité de 72 passagers;
1 ATR 42, immatriculé F-OIXO, avec une capacité de 48 passagers;
1 De Havilland Canada (DHC) 6 Twin Otter, immatriculé F-OMYR, avec une capacité de 19 passagers.
 Il s’agit là de petits avions adaptés aux pistes courtes, ainsi qu’aux liaisons rapides entre îles.

Dans le cas des destinations, les suivantes sont : 
la Martinique;
la Guadeloupe;
Saint-Martin;
Saint-Barthélemy.
Cette union tropicale est le cœur de son réseau et la toile qui garantit que l’archipel reste relié.

2023 : période de crise, liquidation et de renaissance pour la compagnie aérienne

2023 est une année noire pour Air Antilles. Une accumulation de problèmes se présente : hausse du carburant, impact de la pandémie, difficultés financières… 

Le groupe CAIRE se retrouve en forte difficulté, et le tribunal de commerce de Point-à-Pitre prononce la liquidation judiciaire d’Air Antilles et de sa filiale Air Guyane. Mais Air Antilles échappe à la disparition : une reprise est validée fin septembre 2023 par la Collectivité de Saint-Martin (prenant 60% des parts) et le groupe Edeis /  holding CIPIM (prenant les 40% restants des parts) afin d’assurer la continuité des vols. Air Guyane, elle, voit ses activités interrompues. 

Cette renaissance est fragile. La compagnie doit reconstruire son réseau, regagner la confiance des passagers, et stabiliser ses finances.

Les défis actuels : entre survie et espoir

En avril 2025, Air Antilles a vu sa licence d’exploitation devenir temporaire, signe de la pression administrative liée à ses difficultés financières.

 La compagnie aérienne en recherche d'investisseurs, les collectivités locales, notamment Saint-Martin, ont dû intervenir afin d’injecter des fonds et faire appel à des partenaires pour garantir la survie. Toutefois, la trésorerie reste incertaine. Un défi complémentaire s’installe également pour Air Antilles : le renforcement de fréquences pour les vols. Pour cela, la flotte aérienne est en cours de révision, tandis que certains appareils, autrefois hors service (ATR et Twin Otter), reviennent. Ce retour positif permet d'augmenter les vols quotidiens, notamment entre Point-à-Pitre, Fort-de-France et Saint-Martin.

ATR 72 par ​CaptainWil972 sur Jetphotos

Des ambitions pour l’avenir : plus qu’un vol, un lien durable

Malgré la tempête, Air Antilles prépare des jours meilleurs. L’été 2025 marque deux étapes prometteuses : le renouvellement de licence complète via la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) et le lancement d’un programme saisonnier renforcé avec des vols directs entre la Martinique et Saint-Martin avec trois rotations par semaine. La compagnie se positionne aussi comme actrice du développement régional, notamment : 
maintenir des tarifs accessibles;
préserver la mobilité pour tous (étudiants, familles, travailleurs inter-îles,…);
lutter contre le monopole de certains grands transporteurs.

Une gouvernance ancrée dans le territoire : Louis Mussington

Aujourd’hui, cette mission trouve un relais essentiel dans la gouvernance de la compagnie. Louis Mussington, Président de la Collectivité de Saint-Martin depuis 2022, est également Président du Conseil d'Administration d’Air Antilles. Figure politique et homme du territoire, il défend l’idée que la compagnie n’est pas qu'un simple transporteur, mais aussi une nécessité vitale.

« Sans Air Antilles, notre population sera livrée à un quasi-monopole avec des prix qui explosent. Air Antilles n’est pas seulement une compagnie aérienne, c’est un service public de fait indispensable à nos familles, à nos étudiants, à nos entreprises et à notre attractivité touristique. - Louis Mussington
 Sous sa présidence, la compagnie tente de se réinventer, de lutter contre les rumeurs, de surmonter les turbulences financières et de préparer son avenir.

ATR 72 par ​CaptainWil972 sur Jetphotos

Quand les ailes battent auprès des vagues

Air Antilles est une battante. Elle ne brille pas par sa taille, mais par son importance : pour les Antilles françaises, perdre cette compagnie serait perdre un bout de leur sol, de leur voix. Elle navigue entre crises et regrets, mais aussi entre sourires retrouvés à l’aéroport, retrouvailles et rêves d’îles ouvertes. 

Tant qu’il y aura des îles à unir, des passagers à transporter et un ciel manifestant le désir de voyager, Air Antilles restera la ligne de vie des archipels

Car au-delà du voyage, c’est la promesse que le ciel ultramarin existe, avec ses tons bleus, ses oiseaux, ses histoires, et qu’il continuera à battre tant que ses ailes voleront encore.