Air Moana : quand les ailes redessinent l’horizon polynésien

Larissa Rahelison

En Polynésie française, chaque île est un monde et chaque lagon est une promesse d’évasion. Pourtant, deux questions se sont posées : comment relier ces bouts de terre posés sur l’océan ? Comment faire en sorte que la distance ne devienne pas la naissance d’un isolement ? 

C’est là qu’entre en scène Air Moana, jeune compagnie qui a vu le jour début 2022. Car, sans avion, bien des destins resteraient suspendus.

ATR 72 par Elise Van de Putte sur Jetphotos

Une naissance portée par la conviction

Fondée par Christian Vernaudon, ancien directeur d’Air Tahiti, Air Moana a vu le jour avec une idée simple mais audacieuse : proposer une alternative locale et moderne aux déplacements inter-îles.

En décembre 2022, son premier appareil, un ATR 72-600 baptisé en tahitien Poeiti (F-ORMT), qui signifie « la petite perle », arrive à Tahiti et effectue son premier vol sous les couleurs d’Air Moana le 13 février 2023. Au fil des semaines, la compagnie ouvre ses premiers vols commerciaux vers Bora Bora, Raiatea, et Rangiroa.En mars, Poenui (F-ORMU), qui signifie « la grande perle », un second ATR, rejoint la flotte et prend son premier envol le 20 mars 2023, étendant les horizons ensoleillés vers les Marquises.

Deux avions seulement au commencement, deux noms qui rappellent l'attachement à la culture locale, où chaque avion devient quasiment une personne, un compagnon de route et toujours avec la même ambition immense : relier les îles comme on enfile un collier de perles.

« La perle de l’amour » : quand la rivière de perles tahitienne s’agrandit

En 2025, un troisième appareil rejoindra la compagnie d’Air Moana : un ATR 72-600 XT nommé Poehere (F-OORA) qui signifie « la perle de l’amour » en tahitien. Arrivé récemment en juin 2025, cet oiseau ses ailes pour la première fois le 1er juillet 2025, renforçant la flotte et accompagnant le développement du réseau de la compagnie Air Moana. Dans une région où l’équilibre écologique est fragile, ce choix n’est pas un détail : il révèle tout de l’ambition de la compagnie franco-polynésienne, qui souhaite agrandir sans trahir la nature qui l’entoure. À bord, on retrouve un accueil polynésien, chaleureux et sincère. Les vols sont courts, mais le voyage possède une dimension particulière : chaque siège raconte une histoire en mouvement.

Relier, c’est donner de la vie

Il y a peu, en juillet 2025, Air Moana a commencé à desservir deux nouvelles destinations : Huahine, l’île sauvage au charme discret, avec 7 vols hebdomadaires, ainsi que Fakarava, un atoll préservé inscrit au patrimoine de l’UNESCO, avec 4 vols hebdomadaires. Deux noms qui évoquent autant le rêve des voyageurs que la réalité des habitants. Derrière ces liaisons, il y a plus qu’un enjeu touristique. 

C’est l’étudiant qui doit rejoindre Tahiti pour ses études, la grand-mère qui retrouve ses enfants, le pêcheur qui doit vendre sa prise ou l'infirmière appelée en urgence. En effet, en Polynésie, prendre l’avion n’est pas un luxe : c’est la vie quotidienne dans toute sa splendeur. Air Moana, en ouvrant ces routes aériennes, donne plus que des vols, elle donne du souffle aux archipels.

Une compagnie avec une vision

Depuis 2024, la compagnie est dirigée par Lionel Guérin, ancien Président de la compagnie Hop! et figure reconnue de l'aviation française. 

Son arrivée a marqué un tournant. Sa vision ? Faire d’Air Moana une compagnie durable, accessible et profondément polynésienne. Cet objectif ne traite pas seulement d’une affaire de gestion, il s’agit avant tout d’une conviction. La habitants doivent avoir le choix, la possibilité de voyager, de travailler et de rester connectés. Air Moana, sous sa direction, veut croître pas à pas, sans perdre son âme.

Pourquoi Air Moana compte pour la Polynésie ?

La Polynésie française compte cinq archipels dispersés sur une surface grande, semblable à l’Europe. Sans avion, l’isolement est total. Les bateaux existent, mais le temps y est compté : quand la mer impose ses caprices, l’avion reste le seul lien sûr et rapide. Avec Air Moana, une nouvelle respiration s’est ouverte. Pour les habitants, c’est plus de choix, plus de mobilité, moins de dépendance. 

Pour les voyageurs, c’est une promesse d’authenticité : voler avec une compagnie née des îles, et pour les îles. Bien qu’encore jeune et fragile, comme toute compagnie aérienne insulaire, Air Moana demeure indispensable.

Vers un ciel plus doux : l’engagement environnemental d’Air Moana

Embrassant une vision durable, Air Moana s’est alliée en juillet 2025 avec ATOBA Energy afin d’intégrer des carburants d’aviation durable (SAF (Sustainable Aviation Fuel)) dès 2026 et jusqu’en 2035. 

Grâce à un dispositif mixte, combinant la méthode « book and calm » et des livraisons physiques, la compagnie ambitionne de soutenir les filières locales de SAF tout en alignant ses opérations avec les engagements internationaux de décarbonation.

Projet d'Airbus A320Neo, maquette 

Nouveautés 2026 : flotte, défiscalisation et volonté d’équilibre

Depuis 2024, l’avenir d’Air Moana semblait incertain, mais la compagnie est aujourd’hui de nouveau en chemin : 
Un soutien financier significatif de 4 milliards de francs Pacifique injectés par l’État et des investisseurs ayant permis à la compagnie de se maintenir et de commander trois ATR 72-600 XT neufs ;

Le gouvernement local a activé un dispositif de défiscalisation, rendant cette expansion possible. Ces appareils arriveront progressivement en septembre et décembre 2025, puis mars 2026, portant la flotte à six avions dès fin 2026 ;

Objectif clair affiché par la direction : atteindre l’équilibre financier en 2027, reposant sur l'augmentation des fréquences allant jusqu’à 5-6 vols par jour sur Raiatea et Bora Bora, l’amélioration du service client, et le financement ciblé des nouvelles destinations comme Huahine et Fakarava.

Un mariage entre les ailes d’Air Moana et l’océan Pacifique

Air Moana n’est pas seulement une compagnie aérienne. C’est un fil tendu entre le ciel et l’eau, un mariage fragile mais puissant entre les ailes et l’océan. Chaque décollage devient une promesse : relier les îles sans jamais trahir leur âme, porter les rêves au-dessus des lagons comme on dépose une pirogue sur la mer. Dans ce Pacifique vaste et vibrant, où les distances sont autant de défis que d’appels, Air Moana incarne une évidence : voler, ce n’est pas fuir la terre, c’est la retrouver autrement. 

En choisissant d’écouter le rythme des vagues et de respecter le souffle des écosystèmes, la compagnie ne trace pas seulement des routes aériennes, elle écrit une nouvelle façon de voyager : plus douceplus consciente, et plus fidèle à la beauté des îles. Et peut-être que, dans le bruissement d’un réacteur au-dessus des alizés, on peut déjà entendre la voix du Pacifique, murmurant que l’avenir s’invente là, dans cette union sacrée entre ciel et mer. 

Car tant qu’il y aura des ailes pour épouser l’océan, il y aura des histoires à raconterdes horizons à embrasser, et des îles à aimer.