Quand on parle des grands aéroports français, on cite Paris-Charles-de-Gaulle, Paris Orly ou encore Toulous-Blagnac, mais rarement, même trop rarement, Pamandzi — Marcel Henry, à Mayotte. Et pourtant, cet aéroport incarne à lui seul toutes les contradictions d’un territoire français qu’on préfère souvent oublier : géographiquement isolé, politiquement marginalisé et climatiquement menacé.
En décembre 2024, le cyclone Chido, d’une violence extrême, a soufflé bien plus qu’un vent tropical. Il a soulevé une réalité brutale : celle d’une île à genoux, privée d’infrastructures capables de faire face à l’urgence. Et au centre de cette tempête, l’aéroport de Pamandzi, ce petit géant fatigué, a révélé les limites d’un État qui promet, mais qui tarde à agir.
Aéroport Marcel Henry, par Wikipedia
À Mayotte, on n’a jamais attendu qu’on vienne construire pour nous. Quand l’aéroport de Pamandzi voit le jour en 1964, l’île n’est encore qu’un confetti perdu dans l’archipel des Comores. Aucun pont, aucune route moderne, pas même de département à revendiquer. Mais une idée forte : le ciel pour ne plus vivre enfermé.
Cette piste sommaire, posée sur le petit îlot de la Petite-Terre, devient vite un axe vital. Et si elle porte aujourd’hui le nom de Marcel Henry, ce n’est pas un hasard. Ce nom, c’est celui d’un homme qui a porté à bout de bras le rêve d’une île reconnue, protégée, traitée à égalité.
Pendant des décennies, l’aéroport a rempli ce rôle avec bravoure. Vols réguliers, évacuations sanitaires, liens familiaux, espoirs d’avenirs. Mais si la volonté est restée intacte, les murs, eux, n’ont pas bougé.
Aujourd’hui, cette même piste de 1930 mètres peine à suivre le rythme d’une île en pleine croissance. Et dans le cockpit, plus personne ne semble vraiment piloter.
L’aéroport de Pamandzi — Marcel Henry est aujourd’hui l’unique lien aérien de Mayotte à l’extérieur. Il accueille près de 400 000 passagers par an, avec un terminal étroit, des équipements vieillissants, une piste courte pour les gros porteurs long-courriers, ce qui impose des escales techniques à La Réunion ou Nairobi pour rejoindre Paris.
Il s’agit d’une structure essentielle à la santé, à l’économie ainsi qu’à l’éducation. Mais elle fonctionne avec des moyens insuffisants, dans un climat insulaire instable, sans jamais bénéficier des mêmes efforts d’aménagement que d'autres DOM. L’aéroport n’est pas dimensionné pour faire face aux risques naturels croissants, ni pour accompagner le développement que l’on promet tant à Mayotte.
Les annonces gouvernementales ont été nombreuses.
Depuis plus de 10 ans, on parle de rallonger la piste, de moderniser le terminal, de faire de Pamandzi un hub régional stratégique entre l’Afrique australe et l’Europe. Mais rien ne se concrétise. Pas de travaux majeurs. Pas de budget concret. Seulement des visites ministérielles ponctuelles, des discours d’intention, et des projets remis à plus tard, toujours plus tard.
La conséquence ? Un aéroport qui n’évolue pas, alors que les besoins, eux, explosent.Mayotte est souvent évoquée comme le « 101e département », mais elle est encore traitée comme un territoire périphérique, sans urgence ni priorité.
Ce que réclame Mayotte, ce n’est pas un aéroport de luxe, mais un outil à la hauteur de ses réalités. Un outil pour garantir la sécurité, la mobilité et l’égalité des chances. Car l’aéroport n’est pas qu’un lieu de passage : c’est le reflet même d’un territoire et du respect qu’on lui porte.
Mayotte est française. Elle est européenne. Et pourtant, son aéroport ne répond pas aux standards de sécurité, de résilience et de service public que l’on retrouve ailleurs en France. Pourquoi cette différence ? Pourquoi cette attente ? À travers Pamandzi, c’est toute une île qui se demande : « avons-nous moins de valeur ? ».
Depuis le cyclone Chido, des élus tirent la sonnette d’alarme. Certains réclament un plan Marshall pour l’aéroport et les infrastructures critiques. Mais pour l’instant, aucune mesure concrète n’a été annoncée. Rien de structurant, rien de transformateur.
Or, le climat change. Les risques augmentent. Et le besoin d’un aéroport moderne, sécurisé, et résilient n’est plus négociable.Il est temps d’arrêter de promettre. Il faut agir. Et faire enfin de Pamandzi ce qu’il aurait dû être : un pilier du développement, un pont et une fierté.